Actions

Action 1: Analyse et réduction de modèles physiques

Pour certains instruments, comme la clarinette, des modèles assez fiables existent, et des confrontations à l'expérience ont donné des résultats satisfaisants. Par contre on cherche à améliorer les modèles d'autres instruments (flûtes, violons) [6]. La confrontation à l'expérience est intéressante pour le physicien, mais peut oublier des détails importants pour l'auditeur et l' instrumentiste. C'est en prenant en compte la perception, même de façon simpliste, qu'on veut réduire le nombre de paramètres pertinents, par exemple grâce à l'analyse dimensionnelle ou l'analyse modale. Simultanément, on vise l'implémentation de ces modèles pour la synthèse temps-réel ; on distingue ci-dessous le seul résonateur (linéaire ou non) et le fonctionnement global, non linéaire par essence.

1.1: Représentation de résonateurs de vents en systèmes entrées/sorties paramétriques

La comportement d'un résonateur est principalement lié au profil du tube, aux pertes visco-thermiques à la paroi, et à la non-linéarité de propagation pour les forts niveaux (cas typique des cuivres). Des modèles 1D ont permis de bien identifier les trois paramètres associés: équation de Webster (courbure), de Lokshin (coefficient de pertes), de Burgers (coefficient de non-linéarité). Pour un tronçon de paramètres P quasi-constants, la résolution spatiale de ces modèles fournit un lien analytique direct entre les états acoustiques localisés à l'entrée et à la sortie du tronçon. Les fonctions de transfert (cas linéaire), ou leur généralisation en "noyaux de Volterra" (cas non linéaire) permettent de traiter tout type de régime (périodique, quasi-périodique, chaotique, intermittent, et transitoire) (Hélie [1 à 3]). Nous souhaitons obtenir une représentation unifiée via les noyaux de Volterra d'une équation de type Webster-Lokshin-Burgers. Les règles de concaténations (connues) pour ces noyaux fourniront un outil de calcul d'impédances et de leur généralisation au cas non linéaire. Ceci permettra d'obtenir des performances (résonances, justesse, brillance, etc) utiles pour la lutherie assistée par ordinateur (LAO) et des outils d'analyse de stabilité numérique. Les pertes visco-thermiques font intervenir une dérivée fractionnaire d'ordre 1/2 en temps, significative pour l'oreille, source de difficultés mathématiques (apparition d'opérateurs de dimension infinie en plus de retards). Le formalisme des représentations diffusives permet d'obtenir de bonnes approximations avec garantie de stabilité dans le cas linéaire et des simulations numériques de grande qualité. Un travail approfondi visera la généralisation aux noyaux de Volterra et la définition des énergies utilisables pour le problème du contrôle.

1.2: Auto-oscillations, régimes et bifurcations

Pour réduire les modèles d'auto-oscillations, nous envisageons surtout l'étude des régimes et bifurcations et les décompositions modales. Certaines de ces études ont été amorcées pour la clarinette, et seront étendues aux autres instruments à anche et aux cuivres.

I.2.1. Analyse de régimes et bifurcations des modèles

Un instrument auto-entretenu peut produire de nombreux régimes, ce qui est une aubaine pour les musiciens, qui doivent les maîtriser pour obtenir un son ou un effet sonore particulier. Développer des modèles de synthèse sans étudier leurs régimes reviendrait à livrer aux musiciens des instruments complexes, potentiellement performants, mais sans mode d'emploi. Dans ce domaine nous cherchons à proposer des cartographies de l'espace des paramètres sur lesquelles on peut situer les différents comportements d'un modèle. L'étude des régimes périodiques est assez avancée grâce à l'application de techniques d'équilibrage harmonique ou de continuations d'orbites temporelles (Lizee [1,2], Cochelin [3]). On s'intéresse particulièrement à la stabilité des régimes, en utilisant l'équilibrage harmonique, et aux régimes plus complexes, comme les doublements de période et des régimes quasi-périodiques, important musicalement.

I 2.2. Modes linéaires de résonance et transitoires

Au début d'un transitoire, on peut décrire le comportement de l'instrument de façon linéaire. On obtient une source du type résistance négative, et on peut décomposer en modes dits de résonance, qui sont complexes. Orthogonalité et complétude de ces modes sont des questions fondamentales pour tous les types d'ondes [7], ainsi que la réponse en fréquence (lorentzienne généralisée). L'étude prendra en compte la dissipation dans le couches limites et le rayonnement dans l'espace infini. Cette description permet une étude analytique du transitoire : la simple évolution de la fréquence durant le transitoire renseigne sur la valeur de certains paramètres essentiels, comme la pression dans la bouche. On cherchera à implémenter cette méthode de synthèse [8,9], qui réduit fortement le modèle, et à ajouter aux résultats existants les modes de vibration de l'anche.

I.2.3. Réduction de modèle

La réduction de modèle peut aboutir à la fois à une forme plus adaptée à l'analyse théorique et à un coût de calcul satisfaisant pour le temps réel. Nous envisageons l'utilisation de plusieurs outils qui étendent la notion de décomposition modale : on s'intéresse aux modes propres linéaires orthogonaux qui permettent de représenter au mieux le champ acoustique de l'instrument auto-oscillant en situation de jeu (POD) et à ses modes non linéaires, qui étendent les modes de résonance (Bellizzi [5], cf 1.2.2). Ainsi une étude vient d'être initiée sur la comparaison entre les modes d'un tuyau droit fermé/ouvert, et les modes propres orthogonaux de l'ensemble constitué par ce même tuyau couplé à une anche de clarinette. Des techniques proches du formalisme systèmes-dynamiques seront également considérées : recherche d'une forme normale du modèle, et de variétés inertielles.

Action II. Modèles numériques de synthèse temps-réel: optimisation, problèmes directs et inverses, discrétisation, contrôle automatique (Ph. Guillemain, T. Helie)

Les modèles numériques de synthèse et simulation du son produit par un instrument auto-oscillant se composent, comme les instruments qu'ils cherchent à imiter, de sous-systèmes bien distincts dont l'association constitue le modèle complet. Le projet s'intéresse au problème direct, c'est à dire à la spécification, la discrétisation de chaque sous-système et l'étude du résultat de modifications apportées à l'un d'entre eux. Le problème inverse s'intéresse d'une part à l'estimation des paramètres fixés par le facteur, notamment ceux du résonateur et certaines caractéristiques de l'excitateur (anche, par exemple) et d'autre part aux paramètres de jeu de l'instrumentiste (pression d'alimentation, par exemple).

II.1 Problème direct

II.1.1.Synthèse en régimes non stationnaires (Ph. Guillemain, J. Kergomard, J. Terroir, F. Silva, Ch. Vergez)

Les modèles actuels d'instruments auto-oscillants résultent d'approximations considérant les paramètres géométriques et les paramètres de contrôle constants, ou variant lentement devant la période du signal produit. Il s'agit ici de tenter de compléter les modèles physiques existants de façon à prendre en compte l'effet de variations rapides des paramètres de contrôle et à valider les modifications apportées tant par le biais de la synthèse et du contrôle temps-réel que par celui de l'expérimentation (lien avec l'action III).

II.1.2. Synthèse par différences finies pour les systèmes non-linéaires : énergie et stabilité (S. Bilbao, Ph. Guillemain, R. Kronland-Martinet, T. Voinier)

Les méthodes de synthèse numérique exploitables en temps-réel reposent actuellement sur la transcription numérique du résultat de la propagation d'ondes dans le résonateur. Le couplage non-linéaire à des modèles d'excitateurs peut être aisément réalisé si l'on suppose que la non-linéarité est localisée, ce qui n'est pas toujours le cas. Nous proposons d'adapter des méthodes générales de calcul numérique comme les différences finies à la synthèse des sons (Kronland [3]). Un problème important concerne l'établissement de conditions suffisantes de stabilité des systèmes fortement non-linéaires discrétisés. On s'attachera à la construction de méthodes numériques non-linéaires basées sur la conservation d'une fonction d'énergie définie dans le domaine discret et permettant la détermination de telles conditions afin de proposer des méthodes numériques stables pour le système total.

II.1.3. Synthèse par modèles de signaux "physiquement informés" (Ph. Guillemain, J. Kergomard, R. Kronland-martinet , V. Verfaille)

Des méthodes de résolution analytique approchée de problèmes d'auto-oscillations (Kergomard [1]), donnent accès aux amplitudes des composantes du spectre en fonction des paramètres de contrôle. On développera des méthodes de synthèse par modèles de signaux (synthèse additive, distorsion non linéaire), dans lesquelles la mise en correspondance entre paramètres de contrôle et paramètres de synthèse s'effectue naturellement.

II.2 Problème inverse

II.2.1. Optimisation des paramètres de résonateurs simplifiés (Ph. Guillemain, T. Helie, J. Kergomard, C. Vergez)

Le rôle du résonateur dans le fonctionnement des instruments à vent se définit surtout par les premiers modes de la colonne d'air. Afin de limiter le nombre de paramètres de contrôle, et par la même simplifier le problème inverse, nous proposons ici de définir un ensemble de modèles de résonateurs simplifiés préservant les seules caractéristiques utiles au fonctionnement du sytème complet. Ces modèles seront issus tant de l'approche par Modèles d'Impédance Numérique [Guillemain 1,2,4] que de celle par Impédance Généralisée (Helie [1-3] décrite au I.1. Les paramètres seront déterminés à partir de mesures fines des caractéristiques des résonateurs. Le critère d'optimisation, c'est à dire la définition de la distance entre modèle et référence, sera validé par la comparaison des signaux produits hors temps-réel avec les résonateurs simplifiés ou issus de mesures.

II.2.2. Estimation des paramètres de contrôle des modèles en fonction de descripteurs cibles ( B. d'Andréa-Novel, J.-M. Coron , Ph. Guillemain, Th. Helie, J.-P. Hermand, D. Matignon, Ch. Vergez)

L'estimation des paramètres de contrôle d'un modèle physique est une tâche délicate, et très dépendante du modèle. Nous cherchons à automatiser cette tâche en formulant un problème d'optimisation où la fonction de coût fait intervenir les différences (quantifiées via des descripteurs) entre un son produit par un modèle et un son cible.

II.2.2.1 Optimisation de descripteurs de timbre

On s'intéresse aux cas où les descripteurs envisagés sont de haut niveau, c'est à dire relatifs à des grandeurs globales telles que hauteur, brillance, temps d'attaque, etc ...Pour cela, on utilisera des méthodes d'optimisation ayant fait leurs preuves pour la résolution de problèmes similaires de propagation dans des guides d'onde à terminaison non linéaire, en particulier en milieu marin (Hermand [1-3]).

II.2.2.2 Optimisation de descripteurs énergétiques

On envisage l'utilisation de descripteurs énergétiques (fonction de Lyapunov) (D'Andréa, [2-5]) La première étape s'intéresse au résonateur et consiste, à partir d'une cible constituée d'un signal réel ou issu d'un modèle de synthèse, à déterminer le signal de pression dans l'embouchure de l'instrument. La deuxième étape s'intéresse à l'excitateur afin de remonter, à partir de la pression dans l'embouchure, à ses caractéristiques et lois de commande.

II.3. Familles d'instruments (R. Caussé, Ph. Guillemain, J. Kergomard, R. Kronland-Martinet, C. Vergez)

Un des objectifs de cette action est la compréhension objective de l'appartenance d'un instrument à une famille. En effet, la compréhension subjective, qui prime naturellement par l'écoute, peut être biaisée. Le violoncelle est ainsi l'instrument cité comme le plus proche perceptivement de la voix chantée, alors que le fonctionnement de cette dernière est semblable à celui d'un cuivre. Les résultats acquis lors des phases précédentes de ce chapitre permettent d'envisager une telle étude. Tout d'abord, des modèles de résonateurs simplifiés issus de mesures permettront de caractériser les ressemblances et dissemblances objectives entre les résonateurs d'instruments d'une même famille. De même, le rattachement à une famille dépend de l'excitateur et de ses lois de commande, directement liées à la technique de jeu de l'instrument. On s'intéressera à la famille des clarinettes. A partir de simulations numériques temps-réel libérées des contraintes de fabrication et d'ergonomie, il sera ainsi possible de proposer un continuum d'instruments, extrapolant les instruments existants et permettant par la suite de juger perceptivement de l'homogénéité de la famille et de l'appartenance d'un individu.

Action III : Bouches artificielles et robot-musiciens, paramètres de jeu et transitoires(R. Caussé, C. Vergez)

III.1 Objectif : un nouvel outil expérimental

Les chercheurs en acoustique musicale utilisent souvent des bouches artificielles (cf par exemple [10]), qui leur permettent d'étudier les instruments de musique en situation de jeu de manière contrôlable et reproductible, c'est à dire sans intervention de l'instrumentiste. De tels dispositifs, privent cependant par principe le scientifique de la possibilité d'étudier le contrôle exercé par le musicien pour piloter son instrument et son influence sur le son. Ainsi, l'objectif de ce thème de recherche est d'aboutir à un dispositif expérimental permettant de jouer d'instruments de musique à vent (cuivres, instruments à anche, flûte) comme le ferait un instrumentiste. Le système, inclura donc des instruments réels qui seront pilotés en temps réel par des instances robotisées des musiciens. Par exemple, la pression d'air, le conduit vocal, ou les lèvres seront pilotés en temps réel par des systèmes asservis. On parlera pour décrire cet ensemble de bouche artificielle robotisée ou de robot musicien [11].

III.2 Mise en oeuvre

L'objectif d'un robot-musicien unique capable de jouer de plusieurs types d'instruments à vent (anches simples, cuivres, flûtes) est ambitieux. Nous avons identifié plusieurs verrous techniques à lever qui sont communs à toutes les familles d'instruments : source de pression (poumon artificiel) capable d'assurer toute évolution ciblée de la pression dans la bouche du robot instrumentiste, conduit vocal (dont la forme évolue chez les instrumentistes en cours de jeu), choix des solutions matérielles (automates, types d'actionneurs, cartes d'entrée/sortie, environnement logiciel pour le contrôle temps réel ...) ;La réalisation d'un robot musicien opérationnel tirera avantage de recherches récentes effectuées par les membres de l'équipe de l'IRCAM, en acoustique musicale (bouche artificielle multi-instruments) et en robotique (réalisation de bras robotisés jouant de divers instruments à percussion, création de muscle artificiel), en collaboration avec le LMA. L'équipe du LMA sera responsable de la conception et de la réalisation des poumons artificiels, pendant que l'équipe IRCAM se concentrera sur la robotisation des lèvres. Au final, deux prototypes distincts et aux fonctionnalités différentes seront construits : - celui du LMA aura pour avantage de pouvoir jouer de plusieurs familles d'instrument (instruments à anche simple et double, cuivre, flûte à bec et flûte à coulisse) mais seule la pression d'alimentation sera asservie (poumon artificiel) ; - celui de l'IRCAM sera consacré au jeu des cuivres mais en plus du poumon artificiel, possèdera des lèvres automatisées dont on pourra contrôler indépendamment la masse, la raideur et l'amortissement. Nous prévoyons que l'outil de recherche "robot musicien" sera opérationnel au bout d'un an dans sa version LMA, et au bout de deux ans dans sa version IRCAM. Les recherches qui seront rendues possibles par cet outil, pendant la durée du projet sont détaillées ci-dessous.

III.3 Applications / Résultats attendus

Les applications envisagées sont diverses et touchent à la fois à la physique, aux mathématiques appliquées ou à la musique : - Etudier la physique de l'instrument pendant les transitoires (avec application à la synthèse par modèle physique, lien avec II.1.1) - Tester l'influence de la vitesse de variation des paramètres de contrôle sur les régimes d'oscillation et les bifurcations (lien avec I.2.1) - Développement de techniques de contrôle-frontière par fonction de Lyapunov dans le cas de frontière variable (cas de la flûte à coulisse, lien avec II.2.2.2) - Analyse de l'expertise nécessaire au musicien pour contrôler son instrument (en complément de l'utilisation d'instruments instrumentés, lien avec IV.2 et IV.4) - Identification des paramètres directement corrélés à un effet sonore particulier (par exemple pour mieux comprendre comment produire un vibrato, lien avec IV.5). - Participation au projet musical de Suguru Goto qui cherche à constituer un orchestre de robots musiciens pour lequel il proposera des compositions spécifiques - Au terme du projet, on peut envisager d'utiliser le robot musicien comme banc d'étude de la qualité des instruments.

Action IV : Jeu instrumental, geste et contrôleurs gestuels (B. Fabre et M. Wanderley)

Un des objectifs du projet est de progresser de façon significative sur la connaissance des paramètres de jeu des instrumentistes, et plus généralement sur leurs gestes et leur manière de contrôler les sons qu'ils produisent. Pour ce type d'étude, les instruments à archet sont particulièrement intéressants, car l'analyse d'images est une méthode qui donne accès à certains paramètres, comme la vitesse d'archet. Les instruments à anche présentent quant à eux des difficultés de mesure de la pression dans la bouche et de la pression des lèvres qui changent notablement les caractéristiques mécaniques de l'anche en cours de jeu. De même que la facture instrumentale, l'importance du geste du musicien est centrale dans la production sonore. Des questions de base dans ce projet par rapport au geste sont la définition des stratégies de mesures sur les instrumentistes et la proposition de contrôleurs gestuels pour jouer en temps-réel des modèles de synthèse proposés.

IV.1 : Acquisition de paramètres de jeu et de gestes (M. Wanderley, Th. Voinier)

Une des questions les plus difficiles dans l'analyse du geste instrumental est la captation du geste en situation de jeu. Cette mesure doit être précise tout en étant "transparente" pour l'instrumentiste (c.a.d. elle ne doit pas gêner le jeu instrumental). Plusieurs techniques sont alors utilisables pour mesurer des gestes et se divisent en deux grandes catégories : l'acquisition directe des gestes par des capteurs placés sur l'instrument et l'acquisition indirecte des gestes par l'analyse du son produit. Nous les comparerons du point de vue des résultats dans des situations de jeu spécifiques. On cherchera aussi à instrumenter des instruments à vent. Si certains instruments, comme le saxophone, existent en version instrumentée, il s'agit de contrôleurs gestuels conçus pour piloter des synthétiseurs commerciaux, loin du véritable outil de mesure. Ainsi, un enjeu important est la captation de la pression dans la bouche et l'étude du rôle du "coup de langue" et des lèvres sur l'anche.

IV 2 : Etude du geste (M. Wanderley, R. Caussé, B. Fabre, M. Demoucron, F. Bevilacqua, N. Rasamimanana)

L'étude du geste sera axée sur : a) la définition de catégories de gestes dans les instruments à vent et à cordes, aussi bien les gestes instrumentaux ou effectifs (qui ont trait à la production sonore) que les gestes accompagnateurs (Wanderley [1]) qui peuvent parfois agir sur le son produit par un instrument réel (Wanderley [2]). On capturera les mouvements des musiciens en mesurant la position dans l'espace (trackeurs optiques et magnétiques). b) l'étude des variations d'un même geste à partir des mesures effectuées avec des capteurs placés sur des instruments réels, l'application de certaines de ces mesures dans la construction de dispositifs comme des bouches artificielles et la modélisation du geste, notamment sur la flûte et le violon de façon à permettre la production de régimes et donc d'effets sonores particuliers.

IV 3 : Le contrôleur gestuel (l'interface homme-machine) (M. Wanderley, Ph . Guillemain, R. Kronland, V. Verfaille...)

Une autre approche dans l'étude du geste est la définition des interfaces matérielles utilisées pour évaluer des modèles de synthèse, l'ensemble constituant l'instrument virtuel. Il est possible de récréer des interfaces (contrôleurs) similaires aux instruments réels susceptibles de mesurer certaines caractéristiques du jeu. Ce type de contrôleur permet à un instrumentiste de tirer parti de son savoir-faire. Une autre possibilité est l'utilisation de contrôleurs gestuels alternatifs qui ont des points communs avec les interfaces de contrôle des instruments acoustiques, permettant de tester facilement certaines caractéristiques du jeu, mais ne nécessite pas d'avoir recours à un expert. Une partie du projet sera donc dédiée au choix et à l'évaluation des contrôleurs à utiliser (Wanderley [4]), avec la possibilité de construire des nouveaux contrôleurs gestuels adaptés à des demandes spécifiques.

IV 4. Justesse d'un instrumentiste (R. Caussé, J.Kergomard, C. Vergez, F. Laloe )

Ici, on se posera la question de la justesse d'un instrumentiste par l'observation de leur jeu, notamment quand plusieurs instrumentistes jouent ensemble. La réponse est complexe, car la fréquence de jeu dépend à la fois des fréquences propres du résonateur et des paramètres d'excitation (donc de contrôle, Kergomard [5]). Elle n'est pas stable au cours de l'attaque d'une note, ce qu'expliquent même les modèles les plus simples (cf I.2.2). Ceci entraîne des phénomènes perceptifs complexes intervenant dans le contrôle de l'instrument. On comparera donc le jeu d'instrumentistes professionnels avec celui de bouches artificielles, sur des instruments très bien connus du point de vue physique (paramètres d'excitation fixes, impédance d'entrée du résonateur). L'objectif est d'interpréter ce que fait effectivement l'instrumentiste, à la lumière du fonctionnement de l'instrument, et de tests perceptifs, utilisant des sons de synthèse, visant à comprendre l'influence de la variation de fréquence au cours de l'attaque d'une note. C'est encore la clarinette qui est retenue pour cette étude.

IV 5. Analyse du jeu des flûtistes en termes d'instabilité hydrodynamique (B. Fabre, Ch. Vergez)

Au sein de la famille des flûtes, le partage des différents paramètres de contrôle entre facteur et instrumentiste varie fortement (Fabre [1-5]). Pour une flûte à bec, la géométrie de l'excitateur est déterminée par le facteur, et l'évolution temporelle de la pression dans la bouche contient l'essentiel de l'information de contrôle et d'intention musicale. Dans le cas de la flûte traversière, ce contrôle est laissé en partie aux lèvres de l'instrumentiste et il faut donc ajouter la géométrie de leur ouverture. L'objectif est d'analyser le contrôle instrumental du flûtiste en jeu par l'analyse de signaux délivrés par différents capteurs (pression bouche, pression acoustique, images des lèvres etc...), ce qui donne une importante quantité de données. On a montré qu'une analyse en termes des paramètres hydrodynamiques d'instabilité du jet qui produit le son, tels les nombres de Reynolds ou de Strouhal, fournit une représentation très synthétique du contrôle. Cette approche, validée par une synthèse sonore utilisant ces paramètres, sera généralisée pour analyser des stratégies employées par l'instrumentiste dans un propos musical. Les mesures de paramètres peuvent être validées aussi par l'utilisation du robot musicien (en reproduisant les évolutions de paramètres mesurés, afin d'obtenir, on l'espère, un signal de pression acoustique proche de celui produit par le vrai musicien).